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Barbituriques, histoire numéro 2.

Dans chacune des histoires de cette série « Barbituriques », Barbie finira par tuer Rick, mais comment vais-je vous y emmener ? HIHIHI !

Quoi qu’il arrive, Barbie tue Rick.

BARBITURIQUES HISTOIRE 2

 

Mots choisis : Insuline, Coque, Indication, Mollusque, Biographe, Moment, Vomir.

 

Le dernier roman.

 

 

Carleins était un biographe de renom.  Il avait le chic pour transformer n’importe quel évènement mortellement ennuyeux  en aventure  exceptionnelle. Il était capable de donner une notoriété ahurissante au plus minable des quidams.

Seulement, maintenant qu’il avait fait ses preuves,  pour avoir accès à son carnet d’adresses, il fallait aligner les billets. N’importe qui ne pouvait pas s’offrir ses services.  Pourtant, n’importe qui fit tout de même appel à lui.

Arthur ajusta sa veste, resserra sa cravate, lissa les poches de son costume et se décida à frapper à la porte du bureau. Un « entrez » sec et désagréable lui donna envie de faire demi-tour, mais il serra les dents et pressa  la poignée. 

_ Bonjour, monsieur Bachis …

_ Asseyez-vous !

L’homme, derrière son ordinateur, ne semblait pas avoir l’intention de traiter Arthur comme un être humain. Il ne daigna pas lever les yeux lorsqu’Arthur s’assit en face de lui et ne le regarda pas davantage en lui posant la seule question qui pourrait décider du sort de notre petit employé de salle des ventes.

_ Les projets d’enchères se cassent la gueule, d’autres salles réussissent à chopper des marchés gigantissimes avec les antiquaires et autres collectionneurs et nous n’arrivons pas à passer le cap des deux putains de ventes par mois. Les commissaires-priseurs nous rient au nez. Je suis obligé de réduire mes effectifs. Je ne vous aime pas,  vous ne me servez à rien, et, en plus vous êtes inefficace, c’est donc vous que je compte bien virer. Quelle raison pourriez-vous me donner pour que je change d’avis ?

Arthur sentit un malaise lui monter aux tempes. Ses oreilles se mirent à bourdonner et une sueur froide lui coula dans le dos. Il eut juste le temps de se jeter sur la poubelle du directeur de la  société commerciale, pour y déposer son déjeuner, et peut-être bien les restes de sa tarte aux myrtilles du matin. Encore une fois, le stress avait eu raison du pauvre Arthur. Il avait reçu sa lettre de licenciement dès le lendemain et il dû vider son bureau avant les trois mois requis, son patron préférant le payer chez lui, plutôt que de le voir un jour de plus.  

Arthur était malheureux, il pensa au suicide, mais il eut envie de vomir à la seule pensée de devoir choisir le mode opératoire. Même pour mourir, il était nul ! Ses collègues  successifs avaient tous fini par l’appeler le mollusque. Il n’avait plus de boulot, pas d’ami, plus de famille, juste une perruche nommée Rick. Il arrivait à un moment de sa vie où il allait falloir faire des choix. Jusqu’ici, tante Ursulla s’était toujours arrangée pour le sortir des pétrins dans lesquels il s’était fourré_ jamais exprès d’ailleurs_ mais cette fois, il  était réellement seul. Même le chien qu’elle lui avait laissé s’était fait écraser dans l’allée qui menait à la grande maison, il ne savait pas comment.  Ne connaissant personne autour de lui qui aurait bien voulu l’écouter, il décida d’aller se faire couper les cheveux et la barde. Moins onéreux que le psy, le coiffeur était bien obligé de l’écouter et de lui répondre, même par onomatopées. Dans le salon, en attendant son tour, Arthur attrapa machinalement une revue mondaine et la feuilleta en regardant les photos et les gros titres.  Soudain, son regard fut attiré par la photo d’un homme au sourire énigmatique.   Il sortit ses lunettes de leur coque et les posa sur son nez, afin de lire l’article. Le journaliste parlait du  célèbre Carleins, et donnait une liste des personnes qu’il avait sorties du néant. Ce fut pour le clerc de commissaire-priseur désœuvré, une révélation. Un nouveau projet naquit dans son esprit ; il allait se payer  les services de Carleins pour s’inventer la vie qu’il était incapable de mener. Tante Ursulla lui avait laissé, en plus de la maison dans laquelle ils vivaient,  une somme plus que confortable en héritage, Arthur aurait pu vivre plusieurs années sans se soucier de retrouver du travail.

Une fois rentré chez lui, il commença par chercher dans la bibliothèque de sa tante un livre écrit par Carleins, afin de trouver une indication sur la manière de le joindre.  La bibliothèque  était à l’image de la maison ; immense. Il suivit du doigt la tranche des bouquins, tante Ursulla avait une façon bien à elle de classer ses ouvrages. Comme les étagères étaient profondes, il fallait sortir la première rangée, pour avoir accès aux livres cachés derrière. Les livres historiques se trouvaient devant les biographies en tous genres. Arthur retira donc les livres un à un, en les posant sur un guéridon recouvert de velours bordeaux et lut les titres qu’il découvrait au fur et à  mesure derrière.

Enfin, il trouva et sortit le livre qu’il cherchait. D’un coup de coude malheureux, il fit tomber la tour instable qu’il avait formée et le tout s’écroula  sur le sol, dans un bruit sourd mêlé à un couinement étrange.  Arthur ramassa et remit en place tous les livres. Il trouva, sous l’un des derniers, la pauvre perruche qu’il laissait gambader dans la maison et qu’il n’avait pas vue entrer dans la pièce. Un exemplaire du procès de Klaus Barbie avait cassé le cou à la pauvre bête.

Arthur ramassa l’oiseau et son livre, jeta l’un à la poubelle et ouvrit l’autre. Grâce à la maison d’édition et à internet, il trouva le moyen d’envoyer un message, au biographe. Il n’y avait plus qu’à attendre.

 Comme chaque matin, Carleins ouvrait ses mails, sa femme de chambre emportait la seringue qui lui avait permis de s’injecter l’insuline dont son corps avait besoin, il était seul devant son ordinateur. Il n’avait pas écrit depuis longtemps et cherchait un projet.  Il ouvrit avec lassitude la manne de messages provenant des agents de célébrités lui demandant d’écrire pour elles. Rien de bien intéressant, comme tous les jours de ces deux dernières années. Un texte court se détacha pourtant des autres. Un homme, total inconnu, dont la vie était morne et monotone comme la chanson des kilomètres à pied, selon ses propres termes, lui demandait de trouver du relief à sa vie. Son prix serait le sien, il n’avait plus rien à perdre et se trouvait au bord du gouffre, seul lui manquait le courage de sauter. La curiosité et l’esprit de compétition de Carleins furent piqués au vif et il décida d’appeler l’hurluberlu.

Les hommes se rencontrèrent plusieurs fois. Arthur laissa au biographe le champ libre pour faire des recherches dans les papiers de tante Ursulla.  Carleins se jeta corps et âme dans le passé de la famille de ce riche héritier. Même si son client n’avait rien de particulier, sa famille, en revanche, avait des cadavres cachés dans les placards, et pas des moindres ! Plus il furetait dans les archives, plus Carleins reconstituait ce qui avait été un cartel ayant plongé dans toutes sortes de trafics. Ne pouvant garder tout cela pour lui, une fois ses honoraires récupérés, il donna toutes les informations à la police qui se présenta, un matin,  au domicile d’Arthur pour une perquisition en bon et due forme. Le pauvre homme ne fut pas importuné par la justice, mais son héritage fût gelé pour toute la durée de l’enquête, ce qui risquait de prendre des années, au vu des ramifications des trafics. Arthur fut obligé de chercher du travail, que  Carleins, ayant eu pitié de lui, lui trouva facilement. Ce dernier avait, tout de même, fait son boulot et sorti un nouveau livre dont les ancêtres d’Arthur étaient les héros. Ce fut un bestseller, mais, bien entendu, Arthur ne toucha rien sur les ventes. Il était devenu préparateur de cadavres dans une morgue. Il ne vomit que les six premiers mois, ensuite, son estomac s’habitua aux odeurs, sa vue aux peaux transparentes. Il devint un spécialiste en suicides, nota toutes les manières avec lesquelles ses clients étaient passés à l’acte et avaient triomphé. Lui aussi, un soir de septembre triompha enfin, sans hésiter et sans vomir  …

ERB



12/08/2016
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